Façade : « La construction de cette mosquée a été ordonnée par Muhammad, fils de Khayrûn, al-Ma’âfirî, al-Andalusî, pour se rapprocher de Dieu et dans l’espoir de Son pardon et de Sa miséricorde »
Connu aussi sous le nom de mosquée Ibn Khayrun, ce petit oratoire de quartier a été édifié par un commerçant andalou installé à Kairouan. C'est l’un des rares édifices bien conservés de cette époque.
Il est essentiellement caractérisé par sa façade aux trois portes surmontées d’arcs outrepassés, la plus ancienne façade de mosquée décorée du monde islamique. Il est probable qu'elle soit inspirée de celle de Bû Fatata à Sousse (224-226 H./838-841) où se rencontre, pour la première fois en Ifrîqiya, une écriture kufique sculptée en relief dans un bandeau taillé en cuvette.
Vingt-quatre consoles découpées, proche de celles de l’entrée nord de la façade ouest de la Grande Mosquée de Kairouan, en marquent la limite supérieure. Juste en dessous, deux bandeaux inscrits en kufique évoquent le nom du fondateur et la date de la construction. Ces deux inscriptions encadrent un bandeau constitué d’une alternance de panneaux rectangulaires meublés de paires de rosettes et de motifs végétaux.
Une troisième bande inscrite
en kufique donne la date de la
rénovation (844 H./1440 J.C.), à l’époque hafside (1228-1574).
Trois portes occupent la
façade, celle du milieu étant
plus haute et plus large que les deux autres. Ces portes sont surmontées
par des arcs s’appuyant sur des colonnes en marbre, couronnées par des
chapiteaux. Les écoinçons des
arcs sont ornés de
motifs floraux composés de feuilles à cinq ou trois lobes ouverts ou
repliés.
Elle présente une parenté avec la façade de la mosquée Bâb al-Mardûm (San Cristo de la Luz, Tolède, Xe siècle) au décor decomportant une inscription kufique coiffée briques de corbeaux.
A l’angle nord-est se dresse un minaret à base carrée d’époque hafside, percé de fenêtres géminées encadrées de carreaux de céramique. Son modèle s’inspire des minarets de type andalou qui se répandit en Tunisie à partir de l’époque almohado-hafside.
La salle de prière, à laquelle on accède directement de la rue car cet oratoire n’a pas de cour, est très simple : elle est formée de trois nefs parallèles au mur de qibla et de trois travées couvertes de voûtes d’arêtes réalisées en briques, retombant sur des arcs en plein cintre outrepassés reposant sur des colonnes, dont le prototype s’est perpétué en Tunisie depuis l’époque romaine.
Remarquons qu’une des arcatures de la salle de prière de l'oratoire a conservé un sommier[1] en bois sculpté et décoré de motifs floraux et stylisés présentant une parenté frappante avec certains panneaux du minbar de la Grande Mosquée de Kairouan, lui-même héritier des modèles omeyyades, et permet de confirmer son origine ifrîqiyenne plusieurs fois contestée, sans pour autant nier les influences mésopotamiennes et sa similitude avec les décors sculptés sur bois réalisés dans les régions orientales du monde islamique[2].
[1] Le sommier est la dernière pierre d’un pilier, d’un arc, recevant la retombée de l’arc ou de la voûte
[2] Voir par exemple le travail du bois à la Grande Mosquée de Khiva (Ouzbékistan, Xe s.) http://archnet.org/library/images/one-image.jsp?location_id=10922&image_id=77428.
Combe, E., Sauvaget, J., Wiet, G., Répertoire chronologique d’épigraphie arabe, t. II, Le Caire, 1932, Institut français d’archéologie orientale, p. 104, n° 549.
Creswell, K. A. C., Early Muslim Architecture, t. II, New York, 1979, Hacker Art Books, p.325-326.
Golvin L., Essai sur l’architecture religieuse musulmane, t.III, Paris, 1974, Klincksieck, p. 190-191.
Maoudoud, K., Kairouan, Tunis, 1991, ANEP, p. 45-46.
Marçais, G., Manuel d’art musulman, 2 vol., Paris, 1926-1927, Auguste Picard, p. 35.
Korbendau, Y., L'architecture sacrée de l'islam, France, 1997, ACR éditions, p. 95.