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La Crucifixion

  • Titre / dénomination : La Crucifixion
  • Lieu de production : Grèce, Ecole crétoise
  • Date / période : Fin XVe- début XVIe
  • Matériaux et techniques : Bois ; décor peint a tempera sur enduit
  • Dimensions : H. 31.4 cm ; L. 25.4 cm
  • Ville de conservation : Paris
  • Lieu de conservation : Musée du Louvre, Département des Peintures
  • Numéro d'inventaire : RF 1988-6

Après la chute de Constantinople, l’île de Crète qui appartient à la république de Venise depuis 1206 renforce sa fonction de plaque tournante entre Venise et l’Orient et devient le foyer d’une intense vie religieuse et culturelle. Une école Post-Byzantine de peinture d’icônes s’y installe et y est très active.

Le sujet représenté sur cette icône est la scène biblique de la Crucifixion. Le Christ en croix est la figure centrale de la composition. La croix est plantée sur le Golgotha, symboliquement représenté comme un monticule. Autour de la croix se retrouvent les thèmes traditionnels de la Vierge de douleur, Sainte Marie-Madeleine, Saint Jean et le centurion romain. Cette représentation est fidèle, par la rigueur de sa composition, à la tradition byzantine : sur un fond divisé horizontalement en deux parties d'égale hauteur, ciel d'or en haut et mur de Jérusalem verdâtre en bas, le Christ cloué sur la croix orthodoxe, occupe le centre de l'icône. Cependant, le modelé adouci des carnations et les souples attitudes des personnages dénotent l’influence des créations italiennes dont elle s'inspire.

Lors de la restauration de cette icône en vue de l'exposition « Byzance » (Louvre, novembre 1992), des analyses ont été effectuées au Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France (C2RMF) afin de préciser la technologie employée[1]. Des analyses par microfluorescence X ont été faites directement sur l’icône afin de déterminer les principaux pigments. Des prélèvements complémentaires ont été effectués afin de préciser la stratigraphie des couches picturales. Ces coupes ont été observées au microscope optique puis analysées au microscope électronique à balayage (MEB) couplé avec un système de micro-analyse X.

L’étude technologique de cette icône montre que la couche de préparation déposée sur le support constitué de deux planches de bois est caractéristique des préparations byzantines. Il s’agit de sulfate de calcium lié à la colle. La présence d’un dessin préparatoire abondant et épais est mise en évidence par réflectographie infra-rouge et confirmée par l’observation d’un micro-prélèvement effectué dans la tunique de Saint Jean. Ces dessins, esquissés le plus souvent à main levée, servaient à indiquer une ombre ou à mettre en place la composition de l’œuvre. Dans le cas présent, on observe que les silhouettes sont légèrement incisées pour délimiter le fond d’or, tandis que le dessin est présent dans la surface colorée pour donner la structure des drapés ou délimiter les personnages. Au niveau du pied de Saint Jean, on observe un repentir : la position finale du pied est déplacée vers la droite par rapport au dessin initial.

Le fond d'or de cette icône est déposé sur une « assiette » de couleur jaune-orangé composée d’argile (silico-aluminates) colorée par des oxydes de fer. Les pigments identifiés sont ceux traditionnellement utilisés dans cette région à cette époque : le blanc de plomb, le vermillon (vêtement du soldat), la terre verte (manteau de Marie-Madeleine et le sol). La croix marron est obtenue par mélange d'ocre et de vermillon, le manteau brun-rouge de la Vierge est fait en ocre ou hématite. En revanche, l’analyse met en évidence la présence d’un pigment bleu précieux et relativement rare employé pour le manteau de Saint Jean : le lapis-lazuli. Le liant des couches picturales a été identifié, par des tests de coloration, comme étant l’œuf.

L’étude de la superposition des différentes couches picturales (stratigraphie) est également très importante pour comprendre la technique et la symbolique de l’oeuvre. En effet, dans les icônes, l’élaboration de la couche picturale se fait par étapes successives bien définies allant du sombre vers le clair. Ses étapes symbolisent le chemin de chaque chrétien allant de l’ombre vers la lumière. Les couches de base sombres sont posées sur l’ensemble de l’icône. Sur ces couches qui formeront les ombres, commence l’écriture de l’icône qui, par la reprise du dessin sous-jacent, indiquera les traits du visage et les plis des vêtements.

Deux prélèvements ont été faits dans les carnations, l'un dans le visage d'une sainte femme, l'autre dans le torse du Christ, tous deux dans des rehauts clairs. On observe trois couches, une première couche de couleur brune où l’on distingue un mélange de pigments qui pourrait être de la terre verte, du vermillon, du noir d'os et du blanc de plomb. La seconde couche de couleur beige-rosé contient du blanc de plomb avec un peu de vermillon et d'ocre, le rehaut très clair est constitué de blanc de plomb. La carnation du Christ, elle, ne comporte pas la couche intermédiaire de couleur rose, faisant ainsi ressortir la lividité du Christ crucifié.

Des traces de la vie historique et cultuelle de l’oeuvre ont été observées à diverses endroits : brûlures de cierges, trous de clous ayant jadis fixé un ornement métallique, cassure verticale du panneau, repeints altérés, présence de mastic etc...

Au cours de la restauration de l’œuvre, ces traces ont été dégagées des repeints qui les recouvraient pour être laissées apparentes. Le genou droit de Saint-Jean, un pan de son manteau, la partie droite des montagnes et une partie de son pied qui avaient été maladroitement repeints ont été éliminés. En revanche, la tête du Centurion, anciennement repeinte à la suite d’une brûlure de cierge a été conservée. Lorsque aucun élément iconographique ne subsistait, aucune reconstitution arbitraire n’a été effectuée. Ainsi, la partie inférieure de la grande lacune a été laissée en à-plat afin de ne pas imposer une interprétation personnelle en substitution de l’originale.

Cette icône de la Crucifixion, entrée récemment dans les collections du Louvre (1988), a fait partie d’une étude importante menée par la Direction des Musées de France à la fin des années 80, sur les problèmes de conservation et de restauration spécifiques aux icônes. En effet, la double valeur artistique et religieuse de ces objets soulève de nombreux questionnements sur les principes de la restauration de ces œuvres.


NOTE

[1] Etude réalisée par Elisabeth Martin et Myriam Eveno au C2RMF (Martin, E., Eveno, M., Rapports de laboratoire n°2900 (1991) et 3203 (1992)).

BIBLIOGRAPHIE DE L'OBJET

Delsaux, N., « A propos de l’exposition « Byzance », quelques exemples de Restauration d’icônes », Revue du Louvre, 5/6, 1992, p. 86-93

Delsaux, N., « Consolider, fixer, refixer : quelques cas de traitements problématiques », The Conservation of Icons, ICOM Proceedings (Athens), 1999, p. 58-62

Delsaux, N., « La technologie et la restauration des icônes », Conservation-restauration et techniques d’exécution des biens mobiliers, Périer-d’Ieteren C. et Gesché-Koning N. (ULB, Bruxelles), 2000, p. 27-47

Martin, E., « Some Improvements in Techniques of Analysis of Paint Media », Studies in Conservation, 22 (2), 1977, p. 63-67



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