Au revers :
صنعه محمد بن الفتوح الخمايري عام داخ الهجرية
En naskhî, au dos :
حبسه مبتغ الأجر و الثواب من الله تعالى على
منابر مسجد الأندلس من مدينة فاس المحروس بالله تعالى (المحروسة)
« Fabriqué par Muhammad ibn al-Fatûh al-Khumâyrî l’an de 614 de l’Hégire ».
« Il a été constitué en habus[1] pour mériter / les bienfaits et le pardon d’Allâh le / Suprême au profit des minbar de la / Mosquée des Andalous (dans la ville) de / Fès protégée par Allâh le Suprême ».
Les Arabes se sont très tôt intéressés à l’astronomie, comme en témoignent les nombreuses traductions d’ouvrages scientifiques persans, indiens et grecs. Ils ont développé, au fil du temps, des outils permettant l’observation du ciel, dont le plus connu fut l’astrolabe planisphérique[2] : instrument d’origine grecque adopté dans le monde musulman dès le VIIIe siècle, son nom vient du grec astron et labê : « qui prend les astres ».
Entre le XIe et le XVe siècle, l’Occident musulman a connu un important développement des sciences de l’astronomie, particulièrement au Maroc et en Andalousie. Les traités astronomiques et les astrolabes conservés fournissent une riche documentation sur leur développement et sur les transmissions qui s’opérèrent entre terres musulmanes et chrétiennes.
Cet astrolabe, instrument portatif en laiton de forme circulaire, est une carte céleste mobile. Il permet de simuler le mouvement de la sphère céleste par rapport à la sphère terrestre. Il était employé pour mesurer des altitudes, des latitudes et longitudes, ainsi que pour connaître l’heure du jour et de la nuit ou pour déterminer la direction de la Mecque. Utilisé par les astrologues, l’instrument permettait de vérifier la position des planètes afin d’établir des horoscopes[3].
Malgré ses perfectionnements successifs, l’astrolabe conserva au cours des siècles sa forme traditionnelle. Il se compose d’un corps dit la mère, destiné à recevoir plusieurs disques, sur la surface desquels sont gravées des latitudes. Le fond de la mère présente ici une série d’inscriptions donnant les noms des mois lunaires et une numérotation en abjad[4]. Sa couronne extérieure graduée est surmontée d’une expansion, le trône, qui permet de rattacher l’instrument à un anneau de suspension. Au revers, une inscription fragmentaire mentionne le nom du facteur de l’astrolabe et sa date de création. Enfin, l’araignée (projection stéréographique de la sphère étoilée), très détériorée sur cet astrolabe, est une pièce mobile faite d’une armature métallique ajourée à laquelle sont fixés des crochets qui indiquent la position des principales étoiles. Au dos de l’astrolabe, la surface très usée est gravée d’une inscription ultérieure, moins soignée, en naskhî. L’alidade, pièce de visée située au dos de l’instrument, est gravée à ses extrémités et munie de quatre petits clous qui permettent sa rotation.
On connaît plusieurs astrolabes signés. Celui-ci est l’œuvre d’un auteur sévillan dont on possède au moins cinq autres instruments. Ce personnage nous est également connut par les mentions qu’en ont faites des astronomes. Cependant, aucun de ses textes (s’il en à rédigé) ne nous est parvenu. Cet astrolabe témoigne en tous cas des recherches qui furent menées dans le monde musulman ainsi que des nombreux passages qui s’opérèrent via l’Espagne, entre les deux rives de la Méditerranée. Al-Andalus connut un important rayonnement culturel, enrichi notamment par la présence de savants juifs et sa proximité géographique avec le monde chrétien. On connaît un grand nombre d’astrolabes réalisés en Espagne, comme celui produit à Tolède par al-Sahlî au XIe siècle[5].
[1] Le terme habus désigne l’objet du waqf, acte juridique par lequel on constitue une fondation. Cependant, dans l’usage courant, leur sens s’est confondu. Le mot de habus est beaucoup employé au Maghreb alors que waqf est plus fréquent en Orient.
[2] Ce type d’astrolabe est le plus courant. Il est dit planisphérique car c’est sur une surface plane qu’est représentée la sphère céleste.
[3] On peut voir un astrologue utilisant l’instrument dans une peinture des Maqamat de Hariri daté de 1237 et conservée à la Bibliothèque nationale de France (Arabe 5847).
[4] abjad est l’un des huit termes mnémotechniques qui correspondent à l’ordre dans lequel les consonnes de l’alphabet sont réparties, chaque lettre correspondant à une valeur numérique. Leur emploi a toujours été limité : ils sont fréquents sur les astrolabes, dans les textes historiques versifiés, les procédés divinatoires. On retrouve un emploi similaire chez les juifs, dans la Kabbale.
[5] Madrid, Museo Arqueologico Nacional, inv. 50762.
Amahan, A., « L’astrolabe», in Maroc, les trésors du royaume, (cat. exp., Paris, musée du Petit Palais, 1999), Paris : Paris-Musées, 1999, p. 136, n°193.
De l’empire romain aux villes impériales : 6000 ans d’art au Maroc, (cat. exp., Paris, musée du Petit Palais, 1990), Paris : Paris-Musées, 1990, p. 234-235, n°472.
Amahan, A., « L’astrolabe», in Maroc, les trésors du royaume, (cat. exp., Paris, musée du Petit Palais, 1999), Paris : Paris-Musées, 1999, p. 134-137.
Bergé, M., Les Arabes : histoire et civilisation des Arabes et du monde musulman, des origines à la chute du royaume de Grenade, racontées par les témoins, IXe siècles av. J.C.-XVe siècle, Paris : Lidis, 1978.
Colin, G.S., « Abdjad », in Encyclopédie de l’Islam, t. I, nouvelle édition, Leyde/Paris : E. J. Brill /Maisonneuve & Larose, 1998, p. 100.
Heffening, W., « Wakf » in Encyclopédie de l’Islam, t. IV, Leyde/Paris : E. J. Brill/Maisonneuve & Larose, 1934, p. 1154-1162.
Maddison, F., « Observatoires portatifs : les instruments arabes à usage pratique », in Histoire des sciences arabes, vol.1, Astronomie, théorique et appliquée, Paris : Seuil, 1997, p.139-172.
Michel, H., Traité de l'astrolabe, Paris : Gauthier-Villars, 1947.
Renaud, P.J., « Astronomie et Astrologie marocaines », in Hespéris XXIX, Rabat, 1942, p. 42-63.
Saliba, G., « L’astronomie arabe », in L’âge d’or des sciences arabes, (cat. exp., Paris, Institut du monde arabe, 2005 − 2006), Paris : Actes Sud/Institut du monde arabe, 2005, p. 53-67.
Savoie, D., « Les astrolabes», in L’âge d’or des sciences arabes, (cat. exp., Paris, Institut du monde arabe, 2005 – 2006), Paris : Actes Sud/Institut du monde arabe, 2005, p. 92-111.