Les derniers sultans ayyubides du Caire avaient constitué une importante garde rapprochée, constituée d'esclaves – en arabe « mamelouk » – recrutés dès leur plus jeune âge, majoritairement en Asie Centrale. Ces mamelouks finirent par renverser la dynastie et prendre le pouvoir en Egypte et en Syrie à partir de 1250. Ils reprennent le titre de sultan, qui échoit en principe à l'un des leurs en fonction de son prestige et selon un mode électif. Leur longue domination sur près de trois siècles est généralement divisée en deux périodes : les Mamelouks bahrites (1250-1390), (de « bahr », d’après leur caserne sur le Nil, sur l'île de Rawda) et les Mamelouks burjites ( de « burj », d’après leur résidence dans la Citadelle) ou circassiens (1390- 1517).
Militaires chevronnés, ils parviennent à repousser de manière décisive l'invasion mongole à la bataille de Ayn Djalût en 1260. La même année, al-Malik al-Zâhir Baybars (1260-1277) prend le pouvoir et installe véritablement la dynastie. Il entretient de bonnes relations avec Byzance et conclut des alliances avec le sultanat de la Horde d'Or et avec les Seldjoukides d'Anatolie, contre les Il-Khanides d'Iran. Par ailleurs, afin d'asseoir sa légitimité, il recueille le dernier calife abbasside, renversé en 1258 par les Mongols et récupère la suzeraineté sur les lieux saints de l'islam. Alors que, sous son règne, la Syrie joue encore un rôle important (il élève son mausolée à Damas), Le Caire devient le centre incontesté du sultanat sous ses successeurs, dès le règne de Qalawûn (1279-1290). Celui-ci établit un véritable principe dynastique : quatorze de ses descendants règneront. Comme Baybars avant lui, Qalawûn lutte activement contre la présence des Croisés, qui seront définitivement chassés de Terre Sainte avec la prise d'Acre, de Tyr et de Beyrouth en 1291. C'est sous le long règne entrecoupé d' al-Malik al-Nâsir Muhammad (1293-94, 1299-1309 puis surtout 1310-1341) que la dynastie prend toute son ampleur et sa personnalité. Le mécénat du sultan et de ses puissants émirs, ainsi que des gens de robe, a laissé de nombreux monuments et objets qui témoignent d'un véritable âge d'or artistique, conséquence d'une période de prospérité et de paix.
En 1323, un traité est signé avec les Il-Khanides, qui accroît encore les échanges avec l'Iran. Les liens sont par ailleurs étroits avec les Rassoulides du Yémen, situés sur l’axe stratégique du commerce prospère avec l'Inde et la Chine. Les marchands européens – au premier rang desquels figurent les Vénitiens - sont présents dans les principales villes du sultanat, dans les ports d'Alexandrie et de Beyrouth, mais aussi au Caire, à Damas et Alep, et ce malgré le ralentissement des échanges lié à l'interdiction pontificale de commercer avec les Musulmans, entre 1320 et 1344.
A la mort d'al-Nâsir Muhammad, l'instabilité du pouvoir reprend : douze sultans se succèdent en cinquante ans et le véritable pouvoir échoît aux émirs. Le mécénat reste néanmoins important encore au XIVe siècle, notamment sous les règnes de Sultan Hasan (1347-51 et 1354-61), célèbre pour son complexe funéraire monumental, et Shaban II (1363-1376), pour lequel sont réalisés de somptueux manuscrits du Coran.
La seconde moitié du XIVe siècle est obscurcie par les épidémies de peste qui ravagent alors également l'Europe.
Les Mamelouks circassiens, avec à leur tête Barquq, prennent le pouvoir en 1382, alors que se rapproche la menace de Timur, qui ravage la Syrie en 1400-1401. Le déclin entamé à la fin du XIVe siècle se confirme. Le début du siècle suivant est marqué par d'importants problèmes économiques : la chute du commerce et des taxes, tandis que les dépenses militaires liées à l'achat de gardes personnelles pour se maintenir au pouvoir augmentent. Les famines frappent durement la population, qui souffre déjà de l'instabilité politique.
Parmi les nombreux sultans qui se succèdent, se détachent la figure de Barsbay (1422-1438) qui conquiert Chypre en 1426, détourne le commerce avec l'Inde de Aden à Djedda afin de prélever des taxes et instaure le monopole d'état sur les épices et le sucre, et celle de Qaitbay (1468-1496), dont le règne constitue une époque de renaissance. Grand constructeur au Caire et dans l'ensemble du sultanat, on lui doit notamment le fort d’Alexandrie, élevé sur les ruines du phare hellénistique. Il gouverne avec mesure et encourage le commerce, notamment avec les Européens. A la fin de son règne, une terrible épidémie de peste anéantit une partie importante de la population, entraînant la famine et une nouvelle phase d'instabilité.
Néanmoins, en 1501, l'arrivée au pouvoir de Qansuh al -Ghawrî semble apporter une rémission. Il remplit les caisses par des taxes, construit de nombreux édifices et s’intéresse de surcroît aux disciplines intellectuelles, à la littérature et à la peinture. Mais le contexte international est fatal au sultanat mamelouk : son commerce est ruiné par les Portugais qui arrivent en Inde en 1498 et il n'est plus en mesure de s'opposer à la montée en puissance des Ottomans, qui renversent le dernier sultan mamelouk en 1517 et intègrent l'Egypte et la Syrie à leur empire.
La longue domination des Mamelouks constitue une période extrêmement riche et prospère, particulièrement pour l'Egypte. Les sultans furent de grands mécènes et de grands bâtisseurs : plus de cinq mille monuments sont alors élevés sur l'ensemble de leur territoire. La plupart sont des édifices ou des complexes religieux et funéraires qui traduisent le sunnisme fervent de cette élite militaire, mais également son souci de légitimer sa présence exogène aux yeux d'une population dont elle était totalement coupée. La caste militaire mamelouke s'est en effet maintenue turcophone, bien qu'elle ait utilisé avec une ostentation inédite, sur les édifices comme sur les objets, les inscriptions en arabe exaltant les titulatures des sultans et des émirs. Du fait de leur émulation, la commande d'objets de luxe a connu un développement spectaculaire, notamment l'art du métal incrusté et gravé, du mobilier en bois assemblé et incrusté, des textiles façonnés ou encore le verre émaillé et doré et la céramique, élaborés dans les grands centres du Caire et de Damas. Par l’entremise des marchands, à travers les nombreux échanges d’ambassades, par le biais des pèlerins enfin, les fastes de la cour mamelouke sont connus en Europe, où toutes ces productions sont exportées. En retour, profitant du déclin économique du sultanat au XVe siècle, les Européens – les Vénitiens surtout – envahiront les marchés égyptiens et syriens de leurs produits manufacturés : savons, papier, verre de Murano, qui reprennent des savoir-faire orientaux.
C. J.
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