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La cathédrale latine Saint-Nicolas de Famagouste

  • Nom : La cathédrale latine Saint-Nicolas de Famagouste
  • Lieu : Famagouste, Chypre
  • Date/période de construction : Première moitié du XIVe siècle
  • Matériaux de construction : Pierre calcaire
  • Décor architectural : Gothique rayonnant
  • Destinataire/mandataire : Evêque de Famagouste
  • Dimensions : 52,5 m de long ; 22,5 m de large ; 22 m de haut

 A la suite de la création de l’évêché latin de Famagouste en 1196, une première cathédrale Saint-Nicolas avait été érigée dans la première moitié du XIIIe siècle, édifice assez modeste puisqu’il fallut le reconstruire moins d’un demi siècle plus tard, alors que la ville de Famagouste connaissait un extraordinaire essor dû à l’afflux de populations chassées des dernières places fortes de Terre sainte, comme le rappelle une lettre du pape. En outre, la nouvelle cathédrale était destinée à accueillir le sacre des Lusignans comme rois de Jérusalem, titre honorifique qui avait été récemment conféré aux monarques de Chypre. Le couronnement avait lieu au XIIIe siècle à Tyr, où Henri II avait été couronné en 1285, mais la perte de la ville avait imposé ce repli sur Chypre.

Le chantier du nouvel édifice débuta dès l’accession à l’épiscopat de Guy (1298-1308), le projet ayant probablement été conçu par son prédécesseur l’évêque Mancellus. Deux semaines après son entrée en fonction, Guy obtint l’autorisation de contracter un emprunt pour lancer la construction. Toute une série de legs autour des années 1300 témoigne du dynamisme du chantier. La régence d’Amaury (r. 1306-1310) qui avait évincé provisoirement son frère le roi de Chypre Henri II (r. 1285-1306 et 1310-1324), entraîna des troubles qui eurent aussi des conséquences sur la construction : l’évêque Guy fut déposé en 1308, le nouveau prélat désigné, Antoine de Saurano, interrompit les travaux et s’accapara une partie de l’argent mis de côté à cet effet. C’est à un nouvel évêque, Baudouin Lambert, que revint en 1310 la charge d’achever la construction. Une inscription fut alors placée sur un contrefort du flanc sud pour commémorer la reprise du chantier en 1311[1]. Le pape concéda plusieurs fois des indulgences pour aider au financement des travaux. Enfin, la nouvelle cathédrale fut le cadre du sacre d’Hugues IV en 1324. Dans le courant du XIVe siècle, on adjoint une sacristie au nord-est ainsi que trois chapelles funéraires dont l’une a été arasée. À la suite de la prise de Famagouste par les Ottomans en 1571, la cathédrale fut transformée en mosquée.

La cathédrale Saint-Nicolas de Famagouste a joué un rôle essentiel dans l’introduction du style gothique rayonnant issu de Paris et du nord de la France à Chypre. D’un parti ambitieux, c’est, après Sainte-Sophie de Nicosie, le second édifice en dimension de l’île. Derrière la façade à deux tours s’étendent sur sept travées trois vaisseaux, sans transept, terminés par un chevet constitué de trois absides. A l’intérieur, l’élévation à deux niveaux est marquée par une certaine sobriété : les grandes arcades brisées retombant sur les chapiteaux à corbeille nue des piles circulaires sont surmontées d’un niveau de larges baies. Les ogives du haut vaisseau sont contrebutées par des arcs-boutants. Les éléments rayonnants apparaissent sur les remplages des larges baies, redécoupées par des lancettes et des roses. Le chevet est hérissé de pinacles et de gables surmontant les fenêtres, dans une conception esthétique qui évoque par exemple la cathédrale d’Amiens, ainsi que l’avait remarqué un voyageur anglais au XIVe siècle. La façade, percée de trois grands portails, a pu être comparée à celle de Reims, sans toutefois pouvoir parler réellement d’une parenté directe. Elle témoigne vers 1300 d’une bonne assimilation des formes rayonnantes qui, issues d’un répertoire spécifiquement français à l’origine, tendent à s’internationaliser à cette époque.

NOTE

[1] L’inscription spécifie que le 4 août 1311 Baudoin avait libéré les fonds nécessaires et que les travaux reprirent le 1er septembre ; le texte rappelle également que six voûtes des bas-côtés étaient terminées alors qu’il en restait encore dix à lancer, ainsi que huit sur la nef centrale qui n’avait donc pas été couverte du tout : « L’an de mil et trois cents et onze du Christ, au quatrième jour d’août, fut dépendue la monnaie ordonnée pour le labeur de l’église de Famagouste, et commença le labeur l’évêque Baudoin ledit an, le premier jour de septembre, duquel labeur six voûtes des deux ailes étaient faites, et dix voûtes des ailes avec huit voûtes de la nef de l’église étaient à faire ».  La reprise apparaît nettement sur le monument, les fenêtres de la nef centrale qui correspondent à cette phase ne présentent plus de remplage, les arcs boutants sont conçus sans ornement. Cette simplification témoigne peut-être de difficultés financières, ou de la volonté d’introduire le style plus dépouillé de l’architecture des ordres mendiants, alors très répandu.

BIBLIOGRAHIE DE REFERENCE

Enlart C., L’Art gothique et de la Renaissance en Chypre, 2 vol., Paris, 1899

Plagnieux Ph., Soulard Th. , « L’architecture religieuse » dans J.-B. de Vaivre, Ph. Plagnieux (éd.), L’art gothique en Chypre (Mémoires de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. XXXIV), Paris, 2006 : La cathédrale Saint-Nicolas de Famagouste, p. 218-237

Soulard Th., « La diffusion de l’architecture gothique à Chypre », Cahiers du Centre d’Études chypriotes, 36, 2006, p.73-124



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