![]() |
Commencé en 1184, le minaret de la Grande Mosquée de Séville ne fut achevé qu’en 1198, la mort de son premier commanditaire ayant retardé sa construction. Il jouxtait le mur oriental de la mosquée, dont il demeure le principal témoin, avec une partie de la cour. À partir de 1248, date de la reconquête de Séville, il servit de campanile et fut détruit partiellement lors d’un tremblement de terre en 1355. Après la construction de la cathédrale au XVe siècle, il servit de clocher et fut complété en partie supérieure au XVIe siècle par l’architecte Hernan Ruiz II, auquel on doit aussi une partie de la cathédrale prenant place dans la Grande Mosquée de Cordoue. Une sculpture qui surplombait le tout tournait à tout vent, donnant à la tour son surnom de « Giralda », girouette en espagnol.
Par son plan carré, le monument s’inscrit dans la lignée des minarets maghrébins et espagnols : le minaret de la Grande Mosquée de Kairouan (IXe siècle), celui réalisé par ‘Abd al-Rahmân III à la Grande Mosquée de Cordoue (951) ou encore celui de la mosquée de la Qal’a des Banu Hammad (Algérie, 1007 – 1008) présentent tous la même forme. Celle-ci pourrait, à l’origine, avoir été inspirée des minarets de la Grande Mosquée de Damas (Syrie, 705 – 715), plutôt que des tours des églises syriennes comme le propose R. Hillenbrand. Par son organisation interne pourtant, la Giralda se distingue de ces antécédents. À l’intérieur, une grande rampe en sections rectiligne entoure un noyau central formé de sept étages voûtés superposés. Cette disposition, récurrente dans les minarets almohades, est celle utilisée à la mosquée Kutubiyya (Marrakech, 1147) et à la tour Hasân à Rabat (1196).
Le minaret était surmonté d’un lanternon quadrangulaire partiellement conservé, qui devait, selon L. Golvin, mesurer plus de quinze mètres. Au dessus de la coupole décorée de carrés sur la pointe prenait place un jâmûr, c'est-à-dire une hampe de fer supportant quatre boules de cuivre doré, œuvre d’un artiste sicilien[1]. Ainsi, la hauteur de l’édifice était portée probablement à plus de quatre-vingt mètres, illustrant le goût almohade pour la monumentalité.
Le décor de la Giralda permet d’alléger la construction, dont la forme simple correspondrait à un idéal de sobriété prôné par la dynastie. Aucune des quatre faces n’est identique, mais toutes répondent à un même schéma. La base est très sobre, décorée seulement de quelques arcs. Au dessus, trois registres verticaux prennent place ; celui du centre comporte quatre niveaux d’ouvertures jumelées reposant sur des colonnettes ; de chaque côté, sur deux niveaux, des entrelacs reposent sur des colonnettes. En partie supérieure prend place une rangée d’arcs polylobés, surmontés par un registre de merlons crénelés.
Les arcs utilisés sont en plein cintre, outrepassés ou polylobés, suivant un vocabulaire fréquemment utilisé en Espagne, par exemple à la Grande Mosquée de Cordoue ou, bien plus tard, à l’Alhambra de Grenade et dans des architectures mudejar. Les merlons crénelés quant à eux sont connus en Orient depuis l’Antiquité : on en voit apparaître sur des œuvres assyriennes et achéménides ; dès l’époque omeyyade, on les retrouve sur des constructions islamiques, comme par exemple à Qasr al-Hayr al-Gharbi (Syrie).
Symbole de la ville de Séville, la Giralda a également été un modèle pour l’architecture très postérieure : des copies en ont été réalisées aux États-Unis, dont une entre 1893 et 1927, placée au Madison Square Garden à New York et une autre à Kansas City. Le minaret de la mosquée Hasan II, inaugurée en 1993 à Casablanca, s’en est aussi partiellement inspiré.
Golvin, L., Essai sur l’architecture religieuse musulmane. t. IV. L’art hispano-musulman, s.l., 1979, Klincksieck, p. 243 – 293.
Hillenbrand, R., Islamic Architecture, form, function, meaning, New York, 1994 Columbia University Press, , p. 139 – 144.
Marcais, G., L'architecture musulmane d'Occident : Tunisie, Algérie, Maroc, Espagne et Sicile, Paris, 2006, Arts et métiers graphiques.
Bosworth, C. E., « al-Muwahhidûn », in Encyclopédie de l’Islam, vol. I, Leyde, New York, Paris, 1993, E. J. Brill, Maisonneuve et Larose, p. 803 – 808.
Guichard, P., De la conquête arabe à la reconquête : grandeur et fragilité d’al-Andalus, Grenade, 2000, Fondation El Legado Andalusi.