Sur l’arc central, en cursif marocain (maghribî) : « porte du port »
La sqala du port[1] est divisée en deux parties : la première est aménagée au dessus d’un pont dont les arcades sont constituées de cinq arcs en plein cintre. L’arc central porte une inscription très similaire à celle ponctuant la clé de Bâb al-Bahr. La deuxième partie s’étend du nord au sud vers la mer. Sa plate-forme qui domine la ville repose sur quatre niveaux inférieurs desservis par un escalier. Ces étages inférieurs comptaient une vingtaine de magasins à munition et servaient également comme arsenal pour la confection des embarcations et autres accessoires de l’activité maritime.
La sqala du port se démarque nettement des autres sqala par ses deux grands bastions dont chacun est flanqué par quatre échauguettes. À son extrémité nord-ouest, sur le flanc maritime, un troisième bastion circulaire vient parachever le système défensif du port. Ce dernier ouvrage dispose d’une citerne renforcée par des tours de guet faisant face à l’île. La pierre de taille est le matériau de base utilisé dans la construction de la sqala ; l’usage de revêtement ou d’enduit n’a été relevé à aucun endroit.
La principale caractéristique de la sqala du port d’Essaouira vient de son appartenance au système défensif de la ville, conçu selon une vision européenne par l’architecte français Théodore Cornut. Grâce aux directives du sultan alaouite Sayyidî Muhammad ibn ‘Abdallâh (r. 1757-1790), ce dernier a donné naissance à une œuvre unique dans l’architecture militaire marocaine. Par sa trame urbaine et ses grands axes, Essaouira ressemble aux grandes places portuaires européennes, comme celles réalisées par Vauban, mais dans les détails de construction et les motifs architecturaux, elle se distingue comme une œuvre marocaine originale. La tour du port flanquée de quatre échauguettes rappelle sommairement la tour de Belém de Lisbonne par la robustesse de ses matériaux, mais aussi par sa forme et sa place au sein du système de fortification conçu pour défendre le port de la ville et son front maritime. Un exemple tout aussi proche de la fameuse tour de Lisbonne est celui de la tour portugaise de la ville d’Azila au Maroc. Les longs boulevards où s’alignent les grosses pièces de canons sont des organes très semblables à ceux d’une autre ville portugaise : Porto ; celle-ci possède plusieurs affinités stylistiques avec la ville créée de toutes pièces par Sayyidî Muhammad ibn ‘Abdallâh. Ce souverain s’était attelé en fait à fortifier toute la côte marocaine pour parer contre les attaques des bâtiments européens ; à cette, époque la course constituait la principale activité maritime. Les captifs et les renégats qui se mirent au service des cours de la rive sud durent influencer énormément l’architecture militaire locale, y apportant des techniques d’architecture et de poliorcétique modernes. Les grandes places portuaires du Maroc telles que Tanger, Azila, Larache, Mahdiyya, Rabat, Azemmour, Mazagan, Essaouira et Tarfaya (Santa Cruz del Mar Pequeña) sont autant d’exemples qui témoignent de cette influence européenne en terre marocaine.
Kafas, S., Les fortifications et l’architecture militaire du Maroc au temps des Saadiens (XVIe-XVIIe siècles), thèse de 3ème cycle en Archéologie islamique, Institut national des sciences de l'archéologie et du patrimoine, Rabat, 2004.
Marçais, G., L’architecture musulmane d’Occident, Paris, 1954, Arts et Métiers Graphiques.
Ricard, P., Le Maroc (Les guides bleus), Paris, 1950.