Né à Madinat al-Zahra en Espagne, comme l’indique son nom (al-Zahrâwî), l’auteur de cette œuvre, connu en Andalousie sous le vocable d’Abulcasis (936-1013), compte parmi les plus fameux auteurs arabes dans le domaine de la chirurgie. Il fut le médecin personnel des califes ‘Abd al-Rahmân III et al-Hakam II, mais sa renommée est surtout due à ses nombreux ouvrages : on compte entre autres Al-maqâla fî al-‘amali bi al-yad (Traité pour le travail manuel), Tafsîr al-akyâl wa al-awzân (Commentaire sur les mesures et les poids) et le Kitâb al-Tasrîf qui connut un grand succès et qui traite de chirurgie, de beauté, des dosages de médicaments ainsi que de l’élaboration de remèdes. L’œuvre se fonde sur des sources grecques traduites en arabe, principalement celle du Byzantin Paul d’Égine, que l’auteur cite dans les derniers chapitres de son œuvre, ainsi que Glinus, le juif Mussa ibn al-Azzaz, Ahmad ibn Hanna, Ibn Jaljal, Ibn Massawi, Yahya ibn Jabar et Abû ‘Abd Allâh Muhammad al-Susî.
Conçu comme le trentième volume d’une encyclopédie médicale (dont tous les volumes ne sont pas conservés), ce traité de chirurgie illustré est l’un des plus répandus. On en connaît de nombreux volumes produits entre le XIIe et le XVIIIe siècles. Ce volume, composé de trois cent vingt-neuf pages, est doté d’une couverture dorée de couleur rouge. Le texte est parsemé de représentations d’instruments chirurgicaux rehaussés de rouge et de jaune. L’écriture est tracée à l’encre noire, comme les points diacritiques, les signes orthoépiques et la rare vocalisation. Les titres sont également en noir, mais de taille supérieure.
Les folios 157 et 158 font partie d’un chapitre réservé à la cautérisation : deux représentations de cautères (tiges métalliques dont l’extrémité était chauffée pour cautériser les tissus et éviter l’infection) font face à des ciseaux. L’auteur aborde également dans ce volume la question de l’amputation, des soins dentaires, de l’obstétrique, des fractures et luxations… les peintures de ce manuscrit constituent une véritable illustration médicale, sorte de bilan des instruments chirurgicaux utilisés et connus en Méditerranée à l’époque médiévale.
Il est à souligner que cette œuvre fit l’objet de nombreuses traductions, comme celle en hébreu réalisée à Marseille en 1258 par un médecin juif originaire d’Espagne, Shem-Tov ben Isaac de Tortose, ou encore celle en turc dédiée au sultan ottoman Mehmet II, réalisée en 1465 par le médecin Sharaf al-Dîn ‘Alî, également très illustrée. L’ouvrage fut traduit également en latin dès le XIIe siècle à Tolède par Gérard de Crémone. Il accompagna le développement de la chirurgie en Europe partir du XIIIe siècle et servit de référence dans toutes les universités pendant plus de 500 ans. On recense ainsi pas moins de dix éditions latines entre 1497 et 1544. L’ouvrage était encore édité en latin à Oxford en 1778.
D’autres copies de ce manuscrit, plus complètes, sont conservées à la bibliothèque al-Hassania de Rabat.
Balty-Guesdon, M.-G., « Le livre médical et son illustration », in La médecine au temps des califes, cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 1996, Paris, Snoeck-Ducaju & Zoon, Institut du monde arabe, 1996, p. 231-237.
Sournia, J.-C., « L’intervention chirurgicale et l’obstétrique », in La médecine au temps des califes, cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 1996, Paris, Snoeck-Ducaju & Zoon, Institut du monde arabe, 1996, p. 109-113.
De l’empire romain aux villes impériales : 6000 ans d’art au Maroc, cat. exp. Paris, musée du Petit Palais, 1990, Paris, Paris-Musées, 1990, p. 254, n° 499.
L’âge d’or des sciences arabes, cat. exp. Paris, Institut du monde arabe, 2005-2006, Paris, Actes Sud, Institut du monde arabe, 2006, p. 169, n° 93.